
LeMonde Job: WMQ1610--0030-0 WAS LMQ1610-30 Op.: XX Rev.: 15-10-99 T.: 08:41 S.: 111,06-Cmp.:15,14, Base : LMQPAG 29Fap: 100 N
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30 / LE MONDE / SAMEDI 16 OCTOBRE 1999 CULTURE
GUIDE
TROUVER SON FILM
Tous les films Paris et régions sur le Mi-
nitel, 3615-LEMONDE ou tél. : 08-36-
68-03-78 (2,23 F/mn).
VERNISSAGES
Koen Theys
Caisse des dépôts et consignations,
13, quai Voltaire, Paris 7
e
. M
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Rue-du-
Bac. Tél. : 01-40-49-41-66. De 12 heures
à 18 h 30. Fermé lundi. Du 15 octobre
au 7 novembre. Entrée libre.
ENTRÉES IMMÉDIATES
Le Kiosque Théâtre : les places du jour
vendues à moitié prix (+ 16 F de
commission par place). Place de la Ma-
deleine et parvis de la gare Montpar-
nasse. De 12 h 30 à 20 heures, du mardi
au samedi ; de 12 h 30 à 16 heures, le
dimanche.
La Chose effroyable
dans l’oreille de V
Spectacle musical et théâtral d’Ingrid
von Wantoch Rekowski, mise en scène
de l’auteur.
Théâtre des Amandiers, 7, avenue Pa-
blo-Picasso, 92 Nanterre. RER Nan-
terre-Préfecture. Du 15 au 29 octobre
et du 9 au 20 novembre. Du mardi au
samedi, à 21 heures ; le dimanche,
à 16 h 30. Tél. : 01-46-14-70-00. De
55 F à 140 F.
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Festival théâtral du Val-d’Oise
Trente-deux villes du département du
Val-d’Oise accueillent une soixantaine
de spectacles. Des productions bien ro-
dées (Je suis un saumon, de Philippe
Avron, Djurdjurassique bled, de Fellag,
Requiem pour une fin de millénaire,
de Roger Lombardot...) ; des nouveau-
tés (Le Premier Combat, d’après des
écrits de Jean Moulin, mise en scène
d’Eric Auvray, J moins 2, de Jean-Phi-
lippe Mestre, par la compagnie « Sor-
tie de route », Dernier numéro, d’Oli-
vier Dutaillis, par la Compagnie des
Halles...).
Festival théâtral du Val-d’Oise, 21bis,
avenue de la Division-Leclerc, 95 Deuil-
la-Barre. Du 15 octobre au 28 no-
vembre. Tél. : 01-34-17-99-00. De 40 F à
70 F.
Orchestre philharmonique
de Radio-France
Œuvres de Bainbridge et Elgar. Sylvie
Sullé (mezzo-soprano), Pascal Gallois
(basson), Paul Daniel (direction).
Maison de Radio-France, 116, avenue
du Président-Kennedy, Paris 16
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.
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Passy. Le 15, à 20 heures. Tél. :
01-42-30-15-16. 100 F.
Ensemble Musicatreize
Œuvres de Lassus et Ohana. Chœur
contemporain d’Aix-en-Provence,
Roland Hayrabedian, Patrick Marco,
Philippe Franceschi (direction).
Eglise de la Trinité, 66, rue Saint-La-
zare, Paris 9
e
. M
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Trinité. Le 15, à
20 h 30. Tél. : 01-42-30-15-16. 120 F.
Orchestre national
symphonique d’Ukraine
Œuvres de Lysenko, Glinka, Rachma-
ninov et Tchaïkovski. Mikhaïl Rudy
(piano), Misha Katz (direction).
Salle Pleyel, 252, rue du Faubourg-
Saint-Honoré, Paris 8
e
. M
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Ternes. Le
15, à 20 h 30. Tél. : 08-25-00-02-52. De
100 F à 450 F.
Orchestre national d’Ile-de-France
Œuvres de Poulenc et Ravel. Jean-Ef-
flam Bavouzet (piano), Jacques Mer-
cier (direction).
Salle Rustic, place du Calvaire, 77 Mon-
tereau. Le 15, à 20 h 45. Tél. : 01-64-70-
44-14. De 20 F à 100 F. Le 16, à
21 heures, au Théâtre Jean-Vilar de Vi-
try-sur-Seine (tél. : 01-55-53-10-60) ; le
17, à 15 h 30 au Centre culturel
Jacques-Prévert de Villeparisis (tél. : 01-
64-67-59-61).
Hommage à Chopin (piano)
Cédric Tiberghien : le 16, à 11 heures ;
Nelson Goerner : le 16, à 14 heures ;
Anna Kravtchenko : le 16, à 16 h 30.
Hôtel de ville, 29, rue de Rivoli, Paris
4
e
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Hôtel-de-Ville. Entrée libre.
Simon Goubert Quintet
Sunset, 60, rue des Lombards, Paris 1
er
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Châtelet. Les 15 et 16, à 21 heures.
Tél. : 01-40-26-46-60. 80 F.
Steve Coleman
Maison des arts, place Salvador-Al-
lende, 94 Créteil. M
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Créteil-Préfec-
ture. Le 15, à 20 h 30. Tél. : 01-45-13-19-
19. De 50 F à 120 F.
E pericoloso sporgersi, Harpy
Instants chavirés, 7, rue Richard-Lenoir,
93 Montreuil. M
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Robespierre. Le 15, à
20 h 30. Tél. : 01-42-87-25-91. De 40 F à
60 F.
Eurythmics
Palais omnisports de Paris-Bercy, 8,
boulevard de Bercy, Paris 9
e
. M
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Porte-
de-Bercy. Le 15, à 20 heures. Tél. : 01-
44-68-44-68. De 232 F à 337 F.
Orquesta Aragon
Maison de la musique, 8, rue des An-
ciennes-Mairies, 92 Nanterre. Le 15, à
21 heures. Tél. : 01-41-37-94-20. 140 F.
La Taqira Qadira Boudchichia
Chants soufis marocains a cappella.
Centre Mandapa, 6, rue Würtz, Paris
13
e
. M
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Glacière. Le 15, à 20 h 30. Tél. :
01-45-89-01-60. 70 F et 100 F.
DERNIERS JOURS
16 octobre :
Conversations
avec Antoine Vitez
d’après Emile Copfermann, mise en
scène de Daniel Soulier.
Théâtre national de Chaillot, 1, place
du Trocadéro, Paris 16
e
. Tél. : 01-53-65-
30-00. De 80 F à 160 F.
17 octobre :
Demeures
Musée Zadkine, atelier, 100 bis, rue
d’Assas, Paris 6
e
. Tél. : 01-43-26-91-90.
Fermé lundi. 27 F.
SORTIR
PARIS
La censure théâtrale
Dans le cadre de la manifestation
« Lire en fête », le Théâtre de
l’Odéon propose une lecture de
textes liés à la censure théâtrale,
réunis par Odile Krakovitch et Joël
Huthwohl, conservateurs du
patrimoine. Neuf comédiens
parmi lesquels Gilles Arbona,
Christiane Cohendy et Patrick
Pineau liront des textes consacrés
au silence de la loi sur la censure ;
à la bataille contre la censure
provoquée en 1966 par Les
Paravents, de Jean Genet ; au
procès de la censure fait par
Victor Hugo devant le tribunal de
commerce de Paris en 1832. Par
ailleurs, des visites guidées du
théâtre sont prévues le même jour
à 14 heures et à 16 heures.
Odéon, 1, place Paul-Claudel, 6
e
. M
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Odéon. Le 16, à 15 heures. Tél. :
01-44-41-36-68. Entrée libre.
Daya Shankar
Moins connu dans les salles de
concert européennes que d’autres
instruments de la tradition
indienne : le shanaï est un long
hautbois que l’on entend partout
dans les temples hindous en Inde
du Nord à l’occasion des fêtes.
Initié par son père, élève pendant
dix ans de Ravi Shankar. Daya
Shankar, originaire de Bénarès,
possède un style fluide et lyrique
qui fait autorité parmi les
connaisseurs et enchante les
profanes.
Théâtre de la Ville, 2, place du
Châtelet, 4
e
. M
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Châtelet. Le 16, à
17 heures. Tél. : 01-42-74-22-77.
95 F.
Jean-Michel Pilc Trio
Un peu lassé d’être ramené à
l’étiquette jeune espoir du piano
français du jazz, Jean-Michel Pilc
a décidé il y a quelques années de
tenter l’aventure new-yorkaise.
Technique au service de la
musique, sens du découpage
rythmique, indépendance, lyrisme
et invention sont quelques-uns
des talents de Pilc, musicien
électrisant et généreux.
Au Duc des Lombards, 42, rue des
Lombards, 1
er
. M
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Châtelet. Les 15,
16 et 17, à 20 h 30 et 22 h 30. Tél. :
01-42-33-22-88. 80 F.
Jef Sicard Trio, François
Jeanneau Quintet
Deux saxophonistes au
programme des excellents
concerts organisés par le bureau
du jazz de Radio-France. Jef
Sicard, dans la flamme d’Albert
Ayler ou de Roland Kirk, poète
généreux ; François Jeanneau,
ancien chef de l’ONJ, coltranien,
visiteur d’îles lointaines.
Maison de Radio-France, 116,
avenue du Président-Kennedy, 16
e
.
M
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Passy. Le 16, à 17 h 30. Tél. :
01-42-30-15-16. 30 F.
Marianne Faithfull, radieuse et unique
MARIANNE FAITHFULL, à l’Olympia le
12 octobre
Splendide Faithfull, qui peut tout faire, fu-
mer des cigarettes, tousser trop fort, boire la
tête renversée, jouer la comédie comme dans
un cabaret berlinois. Elle peut tout faire parce
qu’elle vit tout avec la même intensité : rire, se
sentir bien ou mal, très bien ou très mal, s’en-
foncer ou rayonner. Pour l’heure, Marianne
Faithfull est en pleine forme, épanouie, sur la
scène de l’Olympia, où elle a donné un court
(une petite heure et demie) et unique récital.
Costard de cuir rouge, haut noir échancré, ta-
lons en proportion, Faithfull, qui n’a plus la
taille mannequin, est irrémédiablement sexy.
Elle a eu des maris, elle a tout bu, tout pris,
tout avoué, et l’avoue encore, de son accent de
prolétaire londonien, dans Vagabond Ways, son
nouvel album (chez Virgin, conçu avec Daniel
Lanois), dont elle interprète des extraits en
scène.
Rescapée des années héroïne, comme Eric
Clapton ou Lou Reed, Marianne Faithfull offre
un concentré de culture rock qui donne envie
d’en écouter encore et encore. Il y a de l’électri-
cité, ça casse (les rythmes, les idées fausses, les
mots). De Broken English, titre qui relança la
carrière de Marianne Faithfull, en 1979, à Vaga-
bond Ways, protestation violente contre la sté-
rilisation forcée de jeunes Suédoises « dé-
viantes » révélée par la presse en 1998, vingt
ans ont passé sans que la chanteuse à la voix si
sombre, si brillamment maintenue dans les
basses et la blessure, ne désarme dans la guerre
intestine qui la mena au bord de la déchéance.
Alors, il faut la voir, reprenant Working Class
Hero, de John Lennon, admirable de rythme, le
poing dressé. Il faut l’entendre décortiquer jus-
qu’à l’innervement Tower of Song, de Leonard
Cohen. Quatre musiciens (dont Barry Reynolds
à la guitare et Chris Thomas à la basse) ap-
portent les touches de modernité que l’amie de
Mick Jagger – mais aussi de la moitié du Who’s
who du rock – n’avait pu expérimenter au
temps d’As Tears Go By : petits échantillon-
nages de son, guitares stylisées...
Faithfull a chanté Kurt Weill – âme comprise.
En 1995, elle a mal vendu un album extraordi-
naire à tous les points de vue, A Secret Life
(chez Island) réalisé par Angelo Badalamenti,
compositeur de la musique du film Blue Velvet,
de David Lynch. L’expérience Badalamenti l’a
marquée, et la marque, chez Faithfull, est né-
cessairement physique. Une ride est un amour
gagné ; une brisure de voix, un chagrin perdu ;
un geste dégagé, une enfance disparue. Ce don
de l’empreinte lui permet de jouer sans gêne
les rôles ordinairement attribués aux femmes
(mère, femme de mauvaise vie, petite fille,
sœur) tout en parcourant les territoires secrets
de ces « elles » multiples qu’elle pourchasse en
se servant des artifices de la mélodie, de la pop,
de la country, de la balade.
Les chansons de Vagabond Ways ont beau
être arrangées plus simplement, être plus car-
rées d’apparence, elles enfoncent les poi-
gnards, les lames, les flèches, dans la chair avec
la même précision. La nuit, après le concert, In-
carceration of a Flower Child, chanson compo-
sée en 1968 par son ami Roger Waters, des Pink
Floyd, pour dépeindre la descente aux enfers
de Syd Barrett et que le groupe n’avait jamais
osé jouer, creuse ainsi un sillon indélébile ; du
rarement vu, de mémoire de spectateur.
Véronique Mortaigne
Le « Tartuffe » de Jean-Marie Villégier,
un délire très organisé sous l’Occupation
Le metteur en scène se mesure avec maestria aux inépuisables charades de la pièce de Molière
L’Athénée-Louis Jouvet, à Paris, présente Tar-
tuffe, de Molière, une pièce inépuisable tant
elle est riche en énigmes et faux-semblants
(religiosité, homosexualité, séduction). Jean-
Marie Villégier, qui interprète Orgon, a décidé
de transporter les personnages sous l’Occupa-
tion allemande. Ce faisant, le metteur en scène
s’est offert un plaisir fou, immédiatement
contagieux.
LE TARTUFFE de Molière. Mise
en scène : Jean-Marie Villégier.
Avec Jean-Marie Villégier, Ka-
rine Fellous, Etienne Coquereau,
Jean-Louis Cassarino...
ATHÉNÉE-LOUIS JOUVET, 4,
square de l’Opéra, Paris-9
e
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M
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Opéra. Mardi à 19 heures ; du
mercredi au samedi à 20 heures ;
dimanche à 16 heures. Tél. : 01-
53-05-19-19. De 35 F (6,22 ¤) à
160 F (24,12 ¤).
Quand vous avez lu et vu Tartuffe
vingt fois, cent fois, vous butez sur
les mêmes énigmes, les mêmes
pièges.
Molière nous fait attendre les
toutes dernières secondes du der-
nier acte pour nous informer que
Tartuffe est un repris de justice. Un
homme qui n’a pas la moindre at-
tache avec le clergé. Et qu’en
conséquence tout ce qui touche au
Ciel, à la religion, dans cette pièce,
est du trompe-l’œil, du nul et non
avenu.
En revanche Molière nous pré-
vient, dès le début du premier acte,
que pendant les crises de la Fronde,
Orgon a fait preuve de courage. A
été un citoyen engagé. Et qu’il ne
s’est trouvé grenouille de bénitier
que sur un coup de foudre à la vue
de cet homme, à la fausse identité,
« Tartuffe ». L’homosexualité,
contrariée ou non, d’Orgon, qui
plane sur les cinq actes, va rester
sous silence. Est-il seulement sin-
cère une seconde, Orgon, dans ses
transports pour ce Tartuffe ? N’est-
ce pas un alibi, pour dépiter ses
bêtes noires ? Molière fait dire à
Orgon un aveu, une phrase-clé,
magistrale : « Faire enrager le
monde est ma plus grande joie. »
Que signifie donc l’interminable
scène de fausse brouille entre les
deux amoureux, Mariane et Va-
lère ? Elle n’est pas crédible.
Comme si Molière tenait à donner
la preuve que tout est menterie,
que tout est pour la frime, ou pour
des prunes, en cette pièce ?
Elmire, par exemple. A quoi
joue-t-elle, entre son mari et ce
drôle de gibier de potence ? Elle
veut obtenir, de Tartuffe, une
agression sexuelle. Dorine, la ser-
vante, lui dit qu’elle n’y parviendra
pas, que Tartuffe sera sur ses
gardes. « Non, on est aisément dupé
par ce qu’on aime », lui dit Elmire,
qui entreprend alors d’« allumer »
Tartuffe par des mots et des gestes
d’une telle audace qu’après plu-
sieurs regimbements il succombe.
Et quand le mari, Orgon, abusé par
le jeu de séduction de sa femme, se
jette, fou furieux, sur Tartuffe, lui
crie : « Il faut, tout-sur-le-champ,
sortir de la maison », Elmire, qui a
tout mené à sa guise, a le front de
dire à Tartuffe : « C’est contre mon
humeur que j’ai fait tout ceci/Mais
on m’a mise au point de vous traiter
ainsi. »
GRAND BOURGEOIS DE LA CAGOULE
Ce sont toutes ces contre-évi-
dences, toutes ces charades, qui
font la pièce inépuisable. Jean-Ma-
rie Villégier s’y mesure aujourd’hui.
Jean-Marie Villégier est un diable, il
est l’aventurier ingouvernable de
notre théâtre, il a fait chanter a ca-
pella, par des femmes de la cam-
pagne poitevine dont ce n’était pas
l’affaire, les tragédies les plus diffi-
ciles de Corneille, et c’était un en-
chantement. Il a joué, à lui tout
seul, sans en sauter une ligne, tous
les animaux et les monstres de La
Tentation de saint Antoine de
Flaubert, et c’était l’hypnose. Il a
ressuscité des pièces mortes,
formé des générations d’acteurs
lumineux.
Aujourd’hui il s’offre, c’est bien
mérité, un plaisir fou à déménager
Tartuffe sous l’Occupation alle-
mande. Mariane écoute les pleur-
nicheries de Pétain à la TSF, Dorine
plume une oie blanche pour faire
cuire un confit, Cléante, à qui les
micmacs d’Elmire provoquent des
maux de tête, fait fondre dans un
verre d’eau de l’aspirine Usines du
Rhône, et Orgon, qu’interprète Vil-
légier – un Orgon en chapeau me-
lon, style grand-bourgeois de la
Cagoule passé dans la Résistance –
déplie et replie des manteaux usa-
gés comme s’il préparait des colis
pour la Croix-Rouge. Un délire très
organisé, le vrai beau théâtre dans
tous ses états, un décalage pervers
des voix, comme si tous les vers du
dialogue étaient de l’opéra sans
notes de musique, comme si tous
les cinglés de la maison Orgon fai-
saient semblant d’être sourds. Et
pas un mot, pas une virgule n’est
perdue, par le spectateur. Ce grand
schizothyme de Molière eût peut-
être bien mis en scène son Tartuffe
comme cela, ou quelque chose
comme cela, s’il était, souffrant et
souriant, encore parmi nous.
Michel Cournot
Autoportrait de David Bowie
à l’Elysée-Montmartre
DAVID BOWIE. Elysée-Mont-
martre, Paris, le 14 octobre.
Principe marketing de ce show
surprise de David Bowie : donner
un mini-spectacle dans une salle
parisienne, l’Elysée-Montmartre,
d’une capacité (1 200 places) inver-
sement proportionnelle à l’événe-
ment (ce rocker mythique remplit
habituellement les 17 000 places de
Bercy). 700 billets étaient mis en
vente la veille, le reste de la salle
étant réservé aux invités. Tout est
bon pour attirer le chaland, qu’il
soit internaute ou fan traditionnel.
Mais les dons de businessman de
Bowie impressionnent plus que ses
dernières chansons au point qu’on
redoutait un peu que le concert
soit une publicité de quarante-cinq
minutes pour son nouvel album, le
très irrégulier Hours.
Décoré l’après-midi des insignes
de commandeur des arts et lettres
par le ministre de la culture, Cathe-
rine Trautmann, Bowie – pantalon
nylon noir, pull turquoise, cheveux
longs et éternelle finesse – « sur-
dramatise » en beauté un vieux
classique, Life On Mars, seulement
accompagné du pianiste Mike Gar-
son, compagnon de l’époque glam
revenu en grâce dans les années 90.
Décadence romantique, frises do-
décaphonistes : on se dit qu’on va
vivre, après tout, un moment d’ex-
ception. Le reste du groupe entre
en scène. Deux choristes, la fidèle
Gail-Ann Dorsey à la basse, Ster-
ling Campbell à la batterie, Mark
Plati, ingénieur du son des deux
derniers albums, à la guitare ryth-
mique, et Page Hamilton qui rem-
place Reeves Gabrels, récente vic-
time d’une fâcherie, à la guitare
solo.
Techniquement compétente, la
formation manque pour l’instant
de vie intérieure. Devant un petit
pupitre, le « Thin White Duke »
prévient qu’il s’agit d’une répéti-
tion publique. Charmeur, il manie
l’auto-dérision. Son répertoire ré-
sistera-t-il à ce manque de mys-
tère ? Le choix des morceaux sur-
prend agréablement. Les cinq
meilleures chansons de Hours
(dont l’émouvant Survive), quel-
ques standards (Changes, Rebel Re-
bel, China Girl en accéléré) et sur-
tout une sélection de titres presque
jamais entendus sur scène. Parfois
desservi par la lourdeur du groupe
(Word On A Wing), parfois anecdo-
tiques ce Can’t Help Thinking About
Me, premier titre enregistré par
David Jones en 1966 sous le nom de
Bowie, ces raretés furent pourtant
les vraies satisfactions d’un concert
qui s’est prolongé finalement un
peu plus d’une heure.
Bons points : une version de
Drive In Saturday aussi satirique
qu’un morceau de Pulp ; la marche
robotique de Repetition tiré de l’al-
bum Lodger ; l’adaptation à la
douze cordes du merveilleux Al-
ways Crashing In The Car. Bowie se
risquait à l’acte gratuit. A moins
qu’il n’ait trouvé une façon de don-
ner envie de replonger dans des
disques qui, comme le reste de son
catalogue, viennent d’être « remas-
terisés » et réédités par EMI.
Stéphane Davet
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