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SOCIÉTÉ
LE MONDE / VENDREDI 16 AVRIL 1999
230 000 sapeurs-pompiers civils
b Effectifs. Il existe 230 000
sapeurs-pompiers civils en France,
pour la plupart volontaires – seuls
27 000 sont des professionnels.
A Paris et dans les départements
de la petite couronne
(Hauts-de-Seine, Val-de-Marne,
Seine-Saint-Denis), ainsi qu’à
Marseille, les pompiers sont des
militaires. Leur nombre est de 8 000.
b Statut. Dans chaque
département, il existe un service
départemental d’incendie et
de secours (SDIS), établissement
public financé par les
municipalités et le conseil général
et donc géré par des élus locaux.
D’ici à l’année 2001, tous
les centres de secours devront
y être rattachés.
b Sections de jeunes. Environ
500 sections de jeunes
sapeurs-pompiers offrent des
activités, en général le mercredi
après-midi et le samedi, à 18 000
jeunes de dix à seize ans. Ceux-ci
peuvent devenir pompiers
volontaires à l’âge de seize ans.
TROIS QUESTIONS À...
FARHAD
KHOSROKHAVAR
1
Dans le cadre d’une enquête so-
ciologique sur le quartier du
Neuhof, à Strasbourg, vous avez
étudié les relations entre les jeunes
du quartier et les sapeurs-pom-
piers. En quoi le pompier se sent-il
atteint par certaines violences ?
Les incendies de voitures ou de
poubelles sont ressentis comme une
provocation. Le pompier se sent hu-
milié, il a le sentiment d’une vio-
lence faite à son métier. L’écart
entre la perception qu’il a de son
propre rôle et la réalité de ses
tâches engendre une frustration.
Quand il se fait molester, il est
confronté a un problème d’identi-
té. Tout à coup, il se voit détesté,
alors que son métier est construit
sur l’estime de l’autre.
2
Comment expliquez-vous ce re-
jet d’une profession qui n’a
aucune fonction répressive ?
Eteindre une voiture en train de
brûler, cela brise le spectacle, où
l’on fête la rupture avec la vie quo-
tidienne, et ça peut compromettre
la volonté de faire disparaître toute
trace de voiture volée. En plus, les
pompiers portent un uniforme et
représentent donc l’ordre domi-
nant. Du coup, ils ne peuvent pas
être traités en personnes neutres
par certains jeunes. Les pompiers
ont souvent du mal à étouffer leur
rancœur. A Strasbourg, ils mani-
festent quelquefois leur méconten-
tement par des propos qui peuvent
rapidement prendre des relents de
racisme, et parfois de vive voix face
aux jeunes. D’où des jets de pierres.
3
Estimez-vous que la situation
est grave ?
Ce n’est pas encore dramatique,
parce qu’ils ne sont pas dans un
rapport frontal. Mais cela peut le
devenir. La rupture est consommée
entre beaucoup de sapeurs-pom-
piers et de jeunes.
Propos recueillis par
Marie-Pierre Subtil
La non-implication des professionnels
« Les casernes confrontées aux quartiers difficiles sont presque exclusive-
ment composées de sapeurs-pompiers professionnels. Selon [un] officier,
ceux-ci refusent toute implication dans des actions de prévention de la délin-
quance (...), à l’inverse des sapeurs-pompiers volontaires », indique un rap-
port sur Les sapeurs-pompiers et la prévention des violences urbaines,
publié en mai 1997 par la direction de la défense et de la sécurité civiles
du ministère de l’intérieur.
Dans sa conclusion, ce rapport interpelle la profession : se tiendra-
t-elle à l’écart des évolutions urbaines à venir ? Choisira-t-elle de rester
éloignée du problème des quartiers dits sensibles, en demandant à être
toujours mieux protégée pour ne pas avoir à s’en préoccuper ? Une
autre voie « suppose ici ou là des changements d’attitude délicats à mettre
en œuvre » : entrer dans un autre monde où se pratique un autre lan-
gage, accepter de s’ouvrir à la complexité du problème des banlieues et
s’orienter vers des actions de sensibilisation ou de formation internes.
La profession estime que sa mission ne consiste pas « à éteindre le feu social »
« EN COLONNE ! », « droite ! »,
« demi-tour ! ». Ce mercredi
après-midi, c’est Brahim, quator-
ze ans, qui dirige la manœuvre de
marche. Face à lui, une trentaine
d’adolescents en tenue de pom-
pier, casquette rouge sur la tête,
obéissent au doigt et à l’œil.
L’exercice a lieu sur un parking,
au pied d’une tour de La Velette,
un quartier réputé sensible de
Rillieux-la-Pape (Rhône).
Depuis deux ans et demi,
l’Ecole des jeunes sapeurs-pom-
piers du Grand-Lyon forme des
adolescents le mercredi après-mi-
di et le samedi, sous l’encadre-
ment de pompiers professionnels
et volontaires et de travailleurs
sociaux. Au programme : éduca-
tion civique, secourisme, éduca-
tion physique au pôle France de
Lyon, natation et manœuvres.
Le commandant Roger Pecolo
sait qu’il ne doit pas échouer :
l’expérience dont il est le maître
d’œuvre est suivie de près par les
pompiers professionnels. S’il
estime prématuré de parler résul-
tats, quelques signes lui disent
qu’il est dans la bonne voie. Les
quelques adolescents qui avaient
eu à faire avec la police avant
d’intégrer l’école sont entrés dans
le droit chemin ; une assistante
sociale a assisté à la métamor-
phose de deux frères qui étaient
en échec scolaire, et dont l’un,
aujourd’hui, est délégué de
classe ; un adolescent qui avait
été exclu pour indiscipline a de-
mandé à être réintégré. «Le
cadre, chez nous, est prodigieuse-
ment rassurant, explique Roger
Pecolo, je n’ai pas envie de fabri-
quer des générations de pompiers,
mais de leur apprendre à se
comporter en groupe, de leur en-
seigner une rigueur. »
S’il existe environ cinq cents
sections de jeunes sapeurs-pom-
piers en France, celle-ci est la
seule qui s’adresse à des adoles-
cents des quartiers difficiles.
Ailleurs, l’initiative est vue, au
mieux avec bienveillance, au pis
avec scepticisme. Chez les pom-
piers militaires qui couvrent Paris
et la petite couronne, pas ques-
tion de se livrer à ce genre d’opé-
rations. « Le pire pour nous serait
qu’il y ait un mélange des genres,
affirme le commandant Jean-Luc
Chivot, porte-parole de la bri-
gade de Paris, on n’est pas là pour
faire de l’éducation civique, on
doit rester concentrés sur notre
mission. »
La réaction est identique chez
une majorité de pompiers civils,
persuadés que leur mission ne
consiste pas « à éteindre le feu
social ».
« MÉPRIS ENVERS L’UNIFORME »
Le commandant Jacques Cou-
sin, adjoint du directeur départe-
mental du Service départemental
d’incendie et de secours (SDIS)
de l’Oise, en sait quelque chose,
pour avoir été l’un des premiers
en France à ouvrir une caserne
sur le monde extérieur. Chef de
corps à Creil (Oise), il s’est lancé
dès le début des années 90,
lorsque « pointait le mépris à
l’égard de l’uniforme, de l’admi-
nistration », dans une série d’ini-
tiatives : manœuvres dans les
quartiers (pas seulement diffi-
ciles), visites de la caserne par les
écoles, journées portes ouvertes,
animations dans une galerie
commerciale pendant dix jours,
campagnes de sensibilisation
dans les écoles, et, nec plus ultra,
mise en place d’une formation
d’un an d’agent de prévention et
de sécurité, pour une vingtaine de
jeunes sans diplôme ni qualifi-
cation, qui reçoivent simultané-
ment une formation de pompier
volontaire.
Parce que « jeter des cailloux sur
quelqu’un qu’on connaît, c’est dif-
ficile » (un colonel), ce type d’ac-
tions, basé sur le volontariat, fait
timidement tache d’huile dans les
départements confrontés aux vio-
lences urbaines. Reste à vaincre
les réticences de la profession.
« Il y a des gens qui sont pour,
d’autres qui sont contre », dit le
commandant Cousin. La majori-
té ? « Elle se situe, à environ 70 %,
du côté de ceux qui sont contre. »
« PORTER LA BONNE PAROLE »
Avis partagé par ceux qui ont
envie de faire bouger les choses
et se heurtent à l’hostilité de leurs
collègues. « C’est difficile de
convaincre en interne, reconnaît
Daniel Ory, le président de la Fé-
dération nationale des sapeurs-
pompiers, le gars qui rentre et qui
a reçu des cailloux, il n’est pas for-
cément prêt à former des jeunes. »
« Vous aurez beaucoup de mal à
demander à quelqu’un qui se fait
cracher à la figure de porter la
bonne parole », renchérit le
commandant Francis Goepfert
qui, lui aussi, à Mulhouse, orga-
nise des campagnes de sensibili-
sation dans les écoles.
En février, le collectif de sa-
peurs-pompiers créé à Lyon après
l’accident de Vénissieux a envoyé
un Appel aux Français, à propos
des feux de voitures, aux rédac-
tions des journaux – appel publié
in extenso dans le quotidien d’ex-
trême droite Présent, à son grand
dam. Extrait : « A chacun son mé-
tier. Vous [les politiques] avez
choisi le vôtre par passion et par
conviction, c’est votre job de trou-
ver les mesures adaptées face à un
problème de société contre lequel
99,9 % de la population s’élèvent. »
« Moi, je ne suis pas assistante so-
ciale, explique Stéphane, un des
initiateurs du collectif, notre mis-
sion c’est d’assurer des secours
d’urgence, pas de nous occuper des
enfants des autres ; que les poli-
tiques n’attendent pas de nous
qu’on fasse leur travail ! »
« DANS UNE BULLE »
Ces réticences ont des racines
historiques. « On vit dans une
bulle depuis toujours, estime un
colonel, on a nos médecins, nos
cuisiniers, nos ingénieurs, on est un
monde à part, qui a toujours fait
beaucoup avec peu de moyens, en
étant le laissé-pour-compte du sys-
tème ; mais la profession évolue
plutôt favorablement. » Le même
colonel s’étonne que, contraire-
ment aux gendarmes et aux poli-
ciers, aucun représentant de la
profession n’ait été invité aux
rencontres des acteurs de la
prévention de la délinquance,
organisées en mars à Montpellier
par le ministère délégué à la ville
– « j’y serai allé avec plaisir »,
dit-il.
Un rapport sur « Les sapeurs-
pompiers et la prévention des
violences urbaines », réalisé il y a
deux ans par la direction de la dé-
fense et de la sécurité civiles du
ministère de l’intérieur (lire ci-
dessous), préconisait « une prise
en compte forte du problème au ni-
veau national », qui passerait par
la formation des sapeurs-pom-
piers, la valorisation des projets
positifs et le croisement des expé-
riences. Le volet formation mis à
part, peu de choses ont été réa-
lisées depuis.
Le ministre de l’intérieur, Jean-
Pierre Chevènement, vient de de-
mander aux préfets d’inclure les
sapeurs-pompiers dans les
contrats locaux de sécurité (CLS)
et les conseils départementaux
d’accès à la citoyenneté (Codac).
La profession a néanmoins le sen-
timent que, quoiqu’en dise
l’administration, la question n’a
jamais figuré parmi les priorités.
« On ne sait pas pourquoi l’admi-
nistration centrale a mis ce dossier
en sommeil », affirme le président
de la Fédération nationale des
sapeurs-pompiers, Daniel Ory.
M.-P. S.
CE SOIR de janvier, il neige.
Toutes les routes de la région pari-
sienne sont embouteillées en rai-
son de la tempête. A Jouy-le-Mou-
tier (Val-d’Oise), une dizaine de
jeunes gens encerclent une des
voitures immobilisées. A l’inté-
rieur, l’adjudant-chef Jean-Pierre
Jammet, dans son véhicule de
fonction, sirène hurlante et gyro-
phare en action. « Pompiers, en-
culés ! On va vous faire la peau ! »
Les injures fusent, les boules de
neige aussi, la voiture est la cible
de coups de pieds.
La scène n’a duré que cinq mi-
nutes, mais elle a marqué le chef
du centre de secours de Courdi-
manche, pompier depuis vingt-
sept ans. « Jamais je n’aurais ima-
giné qu’un jour ça deviendrait
comme ça », dit-il. La phrase ré-
sume le désarroi d’une profession
qui s’est toujours nourrie de sa po-
pularité. Adulée par les petits gar-
çons, respectée par la population.
Jusqu’à ce que... au milieu des an-
nées 80, de premiers incidents
viennent fêler le miroir dans cer-
tains quartiers, renvoyant une tout
autre image, illisible aux yeux des
sauveteurs. « Ce qui rassure, c’est
que c’est le fait d’une petite minori-
té, précise l’adjudant-chef Jammet.
Avec les adultes, c’est sans pro-
blème, ça se passe uniquement avec
des jeunes. On aimerait bien savoir
pourquoi »
Pour le commandant Francis
Goepfert, du centre de secours
principal de Mulhouse (Haut-
Rhin), l’alerte date du début des
années 90, de ce jour où un jeune
garçon a projeté, à travers la vitre
d’un véhicule, une barre de fer qui
est restée fichée dans le crâne d’un
sapeur-pompier. « Il a été tiré
d’affaire, raconte le commandant,
mais ça a été un détonateur dans la
profession »
LE SYMBOLE
Injures, vol de matériel, dégra-
dation de véhicules, jets de
pierres... Les pompiers constituent
dans certains quartiers une cible
comme une autre. A Paris et dans
la petite couronne, 8 pompiers
avaient été agressés, en civil ou en
intervention, en 1994 ; en 1998, ils
étaient 62. La brigade de Paris a
comptabilisé 80 véhicules détério-
rés l’an dernier, dont 14 pendant
les manifestations lycéennes et 29
à l’occasion de la Coupe du monde
de football. « Si on peut être alar-
miste, ce n’est pas tant à cause des
faits que du symbole, estime Jean-
Luc Chivot, porte-parole des
sapeurs-pompiers de Paris, quand
on tire sur les ambulances, c’est la
guerre civile. »
« Ce qui est inquiétant, actuelle-
ment, c’est que ça se répand loin
des zones urbaines, ça se développe
même dans des villes comme Bourg-
en-Bresse », renchérit Daniel Ory,
le président de la Fédération natio-
nale des sapeur-pompiers, direc-
teur départemental des services
d’incendie et de secours de l’Ain.
Les élèves de l’École nationale su-
périeure des officiers de sapeurs-
pompiers de Nainville-les-Roches
(Essonne) font maintenant des
exercices dans lesquels, sans être
prévenus, ils sont confrontés à des
situations de violences urbaines.
Dans certains quartiers, les sau-
veteurs n’interviennent plus qu’en
prenant certaines précautions (en-
trer dans les impasses en marche
arrière pour pouvoir repartir rapi-
dement, ne jamais laisser un véhi-
cule sans personnel, ne pas oublier
de porter le casque – « On a vu des
véhicules recevoir des fers à repas-
ser, des boulons, des boules de
pétanque », rapporte le comman-
dant Jean-Luc Chivot, de la
brigade de Paris).
« UNE AGRESSION PAR MOIS »
Pour certaines opérations, ils
n’agissent plus qu’accompagnés
par la police – au risque de renfor-
cer le fossé. « On n’a rien contre
eux », disent des jeunes qui tuent
l’ennui en compagnie d’un pitbull
dans le hall d’un immeuble de
Monfermeil (Seine-Saint-Denis). Il
y a pourtant eu des incidents,
récemment ? « C’est juste quand ils
éteignent les feux du 31 décembre
ou qu’ils viennent avec la police. »
Les incidents graves inter-
viennent généralement dans un
contexte particulier. Un guet-
apens tendu aux pompiers dans
une impasse d’Epinay-sur-Seine
(Seine-Saint-Denis) ? Peu aupara-
vant, un jeune était mort à l’issue
d’une course-poursuite avec la po-
lice. Des pierres et des injures lan-
cées, à Meximieux (Ain), une
bourgade de 7 000 habitants ?
« Les pompiers étaient tombés en
panne, ils sont arrivés très tard sur
l’incendie, c’est ce que les jeunes
leur reprochaient », explique-t-on
à la gendarmerie. « Le centre de se-
cours de La Courneuve enregistre en
moyenne une agression par mois,
raconte le commandant Chivot, de
la brigade de Paris, mais c’est cy-
clique, les agressions dépendent de
l’état d’énervement de la cité, et
souvent cet état d’énervement est
motivé par une action extérieure. »
Chez les pompiers confrontés à
ces situations, la tension monte. A
la suite de l’explosion d’une voi-
ture au GPL, au cours de laquelle
un sapeur-pompier a eu la jambe
arrachée, le 31 janvier, à Vénis-
sieux, dans la banlieue lyonnaise,
un collectif, basé à la caserne de
Saint-Priest (Rhône), a été créé
afin « de calmer le jeu ». « Dans la
semaine qui a suivi l’accident, on a
senti monter une tension énorme »,
raconte Philippe, l’un des fonda-
teurs de ce collectif – qui souhaite
garder l’anonymat. Y aurait-il eu
des tentations de représailles ?
« Bien sûr », répond Stéphane, un
de ses camarades. En certains en-
droits, les risques d’engrenage
semblent réels.
« On craint une réaction des sa-
peurs-pompiers, affirme Daniel
Ory, le président de la Fédération,
ils ont des possibilités de réagir,
même s’ils ne sont pas armés. » Que
faut-il entendre par « réagir » ?
« Ils risquent de répondre de ma-
nière musclée. »
FAIRE FACE AU « RAS-LE-BOL »
Certaines hiérarchies ont fort à
faire face au « ras-le-bol » de leurs
subordonnés. « Nos garçons sont
très perturbés, avoue un colonel.
Pour l’instant, ici, il n’y a pas d’idées
de vengeance, mais ils n’en peuvent
plus ; j’ai entendu des pompiers dire
“ces bougnoules, ils nous font
chier” ; quand je les reprends, ils me
disent que je ne suis plus sur le ter-
rain ; on contrôle encore la situa-
tion, mais c’est dur. » Un comman-
dant va encore plus loin en
affirmant que « les torts sont rela-
tivement partagés » dans la mesure
où « le regard hostile est mainte-
nant le fait des deux parties ».
« Ce n’est pas par hasard si cer-
tains jeunes se comportent comme
ça avec les pompiers, estime un
professionnel d’origine maghré-
bine. Ils font un parallèle entre la
police et les pompiers, parce qu’il y
a des similitudes entre les deux. »
Pour sa part, il n’a pas trouvé dans
la profession ce qu’il pensait trou-
ver – « des personnes tolérantes,
tournées vers les autres ». « Il y en a,
j’ai plein de collègues très sympas,
dit-il, mais en fait c’est un miroir de
la société, il y a des tolérants comme
des intolérants, des racistes comme
des antiracistes ».
En première ligne sur le front de
l’urgence sociale, les sapeurs-
pompiers « passent des nuits
blanches à ramasser des SDF, des
suicidés, des drogués, des acciden-
tés de la route, poursuit le même
professionnel. La violence est quo-
tidienne, de l’insulte de l’alcoolique
à celle du SDF qu’on réveille. Soit
on est fort face à ça, on raisonne,
soit on rejette tout et on fait des
amalgames. L’image du sapeur-
pompier auquel saint Pierre donne-
rait les clés les yeux fermés n’a plus
lieu d’être ».
Victime du racisme au travail,
lui-même a souffert de ce rejet.
« J’avais une étiquette dans le dos
avant d’arriver, constate-t-il, mais
ne me faites pas dire ce que je n’ai
pas dit : même si ce n’est pas ce que
j’imaginais, c’est un beau métier. »
M.-P. S.
VIOLENCES
De graves incidents
opposant des pompiers à des jeunes
des quartiers difficiles se sont pro-
duits ces dernières années. La situa-
tion est devenue à ce point tendue
que certains responsables des pom-
piers craignent de ne pas pouvoir
longtemps contrôler leurs troupes.
b LE SOCIOLOGUE Farhad Khosrok-
havar décrit ce climat de plus en plus
difficile et estime que « la rupture est
consommée entre beaucoup de sa-
peurs-pompiers et de jeunes ». Cette
rupture s’explique, notamment, du
côté des jeunes, par le rejet de l’uni-
forme. Mais aussi par l’hostilité de
certains professionnels, qui estiment
leur mission dénaturée par les feux
volontaires et sont parfois tentés par
des réactions racistes. b TRADITION-
NELLEMENT repliée sur elle-même, la
profession se révèle réticente aux
actions de prévention de la délin-
quance. Quelques pionniers se sont
toutefois engagés dans cette voie.
Les rapports entre les pompiers et de nombreux jeunes des cités se dégradent
Injures, jets de pierres, détérioration de véhicules : les sapeurs-pompiers sont de plus en souvent pris pour cibles lorsqu’ils interviennent
dans certains quartiers difficiles. Des deux côtés, le ton monte, au point d’inquiéter la hiérarchie
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