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Quand La Poste pratique un marketing douteusement ciblé
14 / LE MONDE / VENDREDI 16 AVRIL 1999 SOCIÉTÉ
DÉPÊCHES
a INCENDIE : Franco Colombo,
vice-président de la société ita-
lienne concessionnaire du tunnel
du Mont-Blanc, a affirmé, mercre-
di 14 avril, que « de l’air frais a été
insufflé “volontairement” du côté
italien » pour « sauver des vies hu-
maines ». Réagissant à la publica-
tion du premier rapport d’en-
quête, M. Colombo s’est étonné
que Michel Marec, l’un de ses au-
teurs, ait été « conseiller de la so-
ciété » française des Autoroutes et
tunnel du Mont-Blanc.
a VIANDE BOVINE : trois Fran-
çais ont été mis en examen à la
mi-février pour « blanchiment
d’argent » provenant de la vente
de bœuf britannique, entré illéga-
lement en France, via la Belgique.
Selon L’Express, les trois hommes
sont soupçonnés d’avoir blanchi
environ 80 millions de francs
(12 millions d’euros), à travers
leurs sociétés.
a JUSTICE : le procès des
134 prévenus de l’escroquerie du
quartier du Sentier, à Paris, prévu
pour débuter le 10 mai, risque
d’être reporté du fait d’une erreur
de procédure. La Cour de cassa-
tion a jugé fondé, mardi 13 avril,
l’un des treize pourvois du fait des
conditions « irrégulières » de la
garde à vue de l’un des prévenus.
Tensions au sein
des instances représentatives
du judaïsme français
L’attitude ouverte du CRIF suscite des critiques
Les syndicats enregistrent des « concessions »
Point crucial de la réforme des lycées, le renforcement de l’aide indivi-
dualisée aux élèves qui passe de deux heures à quatre heures dans les
établissements « les plus difficiles » est accueilli favorablement par le SE-
FEN qui se félicite « d’avoir été entendu sur l’attribution de moyens supplé-
mentaires ». Evaluée à 50 millions de francs (7,6 millions d’euros), cette
mesure est certes, pour Monique Vuaillat, secrétaire générale du SNES,
« un des effets de la pression exercée [par les enseignants]». Mais, ajoute-t-
elle, « cela ne change pas les orientations négatives de la réforme qui am-
pute de 7 % les horaires de tous les élèves. »
A propos de la compensation des heures supplémentaires, le SNES
considère que « le ministre ne rend qu’un peu plus de la moitié des 700 mil-
lions de francs prélevés (...)Ces mesures sont le signe que le gouvernement est
contraint à quelques concessions ». Tout en s’interrogeant sur certains élé-
ments « positifs » des mesures proposées, Yves Heutte, président de
l’Union des professeurs de spéciales (UPS), considère qu’elles ne
« compenseront pas la perte subie depuis l’automne ».
LE VOYAGE organisé par le
Conseil représentatif des institu-
tions juives de France (CRIF) en
mars au Proche-Orient (Le Monde
du 13 mars) continue de susciter de
vives tensions entre les instances
représentatives du judaïsme fran-
çais. Le Consistoire central de
France, organisme à vocation
cultuelle, a décidé de suspendre
provisoirement sa présence au sein
du CRIF. Dans un entretien au ma-
gazine Tribune juive, paru le 1
er
avril,
le grand rabbin de France, Joseph
Sitruk, a vivement critiqué le
voyage du CRIF, estimant qu’il
s’agissait d’une ingérence dans la
politique intérieure israélienne :
« Je crains que la mission du CRIF,
très médiatisée, n’ait ressemblé à une
forme de pression exercée sur le ca-
binet au pouvoir à Jérusalem. En
période électorale, cela me paraît
gênant. » D’autre part, le Consis-
toire de Paris, qui fédère les syna-
gogues de Paris et de sa région, a
décidé de réduire de 50 % sa parti-
cipation financière au Consistoire
central. Or il est l’un des principaux
bailleurs de fonds de cet orga-
nisme, en particulier à travers la
taxe qu’il prélève sur la cashrout, la
certification des aliments cashers.
Le Consistoire central a réagi en
supprimant un certain nombre des
subventions qu’il accorde à di-
verses activités, comme l’émission
« Ecoute Israël », diffusée sur
France-Culture.
Il est bien difficile de démêler
parmi ces conflits ce qui relève des
querelles de personnes et des dé-
saccords politiques. Une guerre
sournoise existe depuis longtemps
entre le CRIF et le Consistoire cen-
tral, dont l’enjeu est la représenta-
tion du judaïsme français. Au
Consistoire même, les désaccords
entre le président, Jean Kahn, et
Moïse Cohen, président du Consis-
toire de Paris, sont connus. Un ob-
servateur parle d’une « ambiance
délétère » dans toutes ces ins-
tances.
Le principal reproche adressé au
président du CRIF, M
e
Henri Had-
jenberg, est d’avoir décidé de la
mission au Proche-Orient sans
concertation préalable. Des
membres du CRIF, dont l’un de ses
vice-présidents, en auraient été in-
formés par voie de presse. Jean
Kahn, président du Consistoire
central, estime qu’une telle initia-
tive méritait « une consultation spé-
ciale ». Au CRIF, on affirme que le
sujet a été abordé au comité exé-
cutif, où siègent des représentants
du Consistoire central.
La mission du CRIF comprenait
dix personnes, parmi lesquelles,
outre M
e
Hadjenberg, René-Sa-
muel Sirat, ancien grand rabbin de
France et prédécesseur de M. Si-
truk, et Moïse Cohen, président du
Consistoire de Paris. Elle a ren-
contré le président Hosni Mouba-
rak, Yasser Arafat, le roi Abdallah
de Jordanie, Nabil Chaath, proche
collaborateur de Yasser Arafat, et le
président d’Israël, Ezer Weizman.
Elle n’a pu rencontrer Benyamin
Nétanyahou, qui a dû annuler la
rencontre au dernier moment.
M. Hadjenberg avait tenu à fixer
clairement le sens de cette mission
au début de son voyage : «Nous
n’avons pas de prétention à être des
négociateurs, ni même des intermé-
diaires. » Mais il estimait que le
CRIF pouvait « contribuer à des dé-
blocages ». Premier président du
CRIF à avoir pris une telle initiative,
il promettait à son retour d’organi-
ser « des missions plus élargies qui
auront pour but un suivi per-
manent ».
« PROMOTION DE LA PAIX »
Cette politique nouvelle boule-
verse les habitudes, mais elle serait
approuvée, selon le CRIF, par une
grande partie de la communauté
juive de France. En Israël, une lettre
de soutien au CRIF a été signée par
une bonne cinquantaine d’intellec-
tuels israéliens francophones, par-
mi lesquels Yehouda Lancri, ancien
ambassadeur à Paris, André Chou-
raqui, le juriste Claude Klein et le
professeur Ilan Greilsamer. Ces
personnalités disent souhaiter que
« les juifs de la Diaspora contribuent
à la promotion de la paix et de la
fraternité dans notre région et ap-
puient les initiatives de l’Etat d’Israël
allant dans le sens de cette promo-
tion ». La pétition constituait elle-
même une réponse à une « lettre
ouverte aux juifs de France » rédigée
par un Collectif-Jérusalem et signée
par une trentaine d’Israéliens, eux
aussi d’origine française, pour pro-
tester contre le voyage du CRIF.
En France, faut-il voir derrière les
critiques adressées au CRIF des
« susceptibilités blessées » ou des
désaccords plus profonds ? M. Co-
hen juge que le Consistoire central
est trop « politisé » et ne remplit
plus sa fonction cultuelle. M. Sitruk
est considéré comme conservateur
et très orthodoxe. Dans son entre-
tien à Tribune juive, il approuve la
manifestation qui a rassemblé
250 000 ultra-orthodoxes à Jérusa-
lem le 14 février contre les déci-
sions de la Cour suprême israé-
lienne voulant faire droit aux
demandes des rabbins libéraux.
De leur côté, les membres de la
mission emmenée par M. Hadjen-
berg sont revenus « persuadés » de
la « bonne volonté » de l’Autorité
palestinienne. Au CRIF, on affirme
que les tensions actuelles ne sont
qu’une « tempête dans un verre
d’eau ». Mais, estime un connais-
seur de la communauté juive, «ce
genre de conflit pourrait prendre une
ampleur nouvelle si la droite était
réélue en Israël au mois de mai ».
Xavier Ternisien
(avec Georges Marion
à Jérusalem)
Claude Allègre annonce des mesures visant
à rétablir le pouvoir d’achat des professeurs
Le décret du 31 juillet 1998 sur les heures supplémentaires n’est pas abrogé
Cherchant à corriger ce qu’il avait lui-même
qualifié d’« erreur politique », le ministre de
l’éducation nationale, Claude Allègre, a rendu
publiques, mercredi 14 avril, des mesures vi-
sant à contribuer « au rétablissements du pou-
voir d’achat des professeurs ». Au total, ce
plan, qui comprend des mesures catégorielles
de revalorisation, devrait coûter 900 millions
de francs en année pleine.
CLAUDE ALLÈGRE l’avait lui-
même reconnu. La décision de
baisser le taux de rémunération
des heures supplémentaires an-
nuelles (HSA) des enseignants,
adoptée au milieu des vacances, le
31 juillet 1998, pour financer les
700 millions de francs (106,7 mil-
lions d’euros) du plan emploi-
jeunes, avait été « une erreur poli-
tique ». Ainsi qu’il l’avait annoncé
le 21 mars sur Europe 1, à l’issue
d’une semaine de grèves et de ma-
nifestations, le ministre de l’édu-
cation nationale est donc revenu
sur l’un des principaux motifs de
la grogne des enseignants.
Avant de s’envoler pour le Bré-
sil, il a, mercredi 14 avril, commu-
niqué aux organisations syndi-
cales une série de mesures qui
visent à contribuer « au rétablisse-
ment du pouvoir d’achat » des pro-
fesseurs. Il les a assorties d’autres
dispositions qui précisent et ren-
forcent l’application de la réforme
des lycées dès la rentrée pro-
chaine.
C’est d’ailleurs ce dernier point
qui est mis en avant dans les an-
nonces ministérielles à propos de
l’aide individuelle aux élèves en
difficultés dans les classes de se-
conde. Cédant pour partie aux cri-
tiques exprimées sur la réforme,
Claude Allègre a décidé d’affecter
un contingent de 7 900 heures
supplémentaires pour faire passer
de deux à quatre heures l’aide aux
élèves dans les établissements
classés « difficiles », soit environ
25 % d’entre eux. Dans l’immédiat,
le ministre n’a pas précisé si l’aug-
mentation de cette dotation per-
mettra de doubler le nombre de
groupes de huit élèves prévus par
les textes ou s’il s’agit de proposer
deux heures supplémentaires, af-
fectées à d’autres disciplines que
le français et les mathématiques,
pour les élèves détectés en
grandes difficultés. Selon toute
vraisemblance, le choix de cette
répartition sera effectué à l’inté-
rieur des établissements.
La seconde série de mesures
adoptées par Claude Allègre
concerne les heures supplémen-
taires qui avaient attisé la mobili-
sation des enseignants. Le mi-
nistre de l’éducation avait indiqué
qu’il ferait en sorte « que leur pou-
voir d’achat soit rétabli » pour at-
ténuer les effets de la baisse de
leur taux de rémunération évaluée
en moyenne, selon lui, à
120 francs par mois (18,3 euros)
pour les enseignants des lycées et
collèges, mais à des sommes beau-
coup plus importantes pour les
professeurs de classes prépara-
toires aux grandes écoles. Malgré
la pression exercée par les syndi-
cats, Claude Allègre n’envisage
pas d’abroger le décret du 31 juil-
let 1998 qui avait institué cette
mesure.
De même, il n’a pas laissé en-
tendre l’ouverture d’une négocia-
tion sur la remise à plat de ce dos-
sier complexe qui devrait, dans les
prochaines semaines, donner lieu
à deux rapports très attendus de la
Cour des comptes ainsi que de la
commission d’enquête sénatoriale
sur la gestion des personnels en-
seignants.
Dans l’immédiat, le ministre de
l’éducation se contente de
compenser partiellement ces
pertes salariales. En premier lieu,
il propose de ramener de deux à
une heure le contigent de HSA
« imposées, selon les textes, dans
l’intérêt du service » en augmen-
tant sa rémunération de 20 % par
rapport à une heure normale.
Cette mesure devrait coûter
350 millions de francs (53,3 mil-
lions d’euros). En supplément,
40 millions de francs (6 millions
d’euros) seront affectés au verse-
ment d’une indemnité forfaitaire
aux enseignants des classes prépa-
ratoires, dont le temps de service
prévoit un nombre non négli-
geable d’heures supplémentaires
annuelles. Les critères d’attribu-
tion de cette indemnité n’ont tou-
tefois pas été fixés.
Enfin, les propositions ministé-
rielles incluent des mesures caté-
gorielles de « revalorisation » déjà
annoncées aux organisations syn-
dicales avec le passage à la catégo-
rie « hors classe » d’environ 15 %
des effectifs de chaque corps d’en-
seignant. Etalée sur deux ans,
cette décision est, de loin, la plus
coûteuse puisqu’elle devrait at-
teindre 420 millions de francs
(64 millions d’euros).
Au total, le plan annoncé par
Claude Allègre est évalué à
900 millions de francs (137,2 mil-
lions d’euros) en année pleine.
Avec les 700 millions du plan em-
ploi-jeunes, cet engagement de-
vrait hypothéquer la préparation
du budget de l’an 2000 du minis-
tère avant même que ne soient
connues les propositions du gou-
vernement.
Pour leur part, les syndicats ont
aussitôt relevé que ces mesures
prévues pour la rentrée de sep-
tembre n’avaient pas d’effet rétro-
actif.
Michel Delberghe
« A L’OCCASION de la fête nationale d’Is-
raël, les gestionnaires en patrimoine sou-
haitent envoyer un mailing à la clientèle israé-
lite des bureaux de poste. Merci de garder à
disposition, pour vendredi 16 avril, un listing le
plus exhaustif possible de la clientèle concer-
née ». Cet étonnant message a été adressé
par un fax daté du 12 avril, « à l’attention des
conseillers financiers, des conseillers courrier,
des assistants “cofis” » et à l’ensemble des
« directeurs d’établissement », dans le quar-
tier du Sentier, au centre de Paris. Certains
employés de la direction de La Poste cou-
vrant les quatre premiers arrondissements de
la capitale, située rue d’Aboukir, se sont émus
de ce qui s’apparente fort à une bourde de
leurs « conseillers, spécialisés en patrimoine ».
Cette tentative à l’« anglo-saxonne » de
gagner de nouveaux clients au service public,
a tourné au scandale. Les « conseillers finan-
ciers » ont-ils été inspirés par la proximité du
Sentier, quartier qui a longtemps vibré au
rythme des fêtes juives et dont certains
commerçants entretiennent des liens de
sympathie ou de famille avec Israël ? Doit-on
diagnostiquer ici un nouvel excès de
« communautarisme » au sein d’une société
française dont l’administration résisterait de
plus en plus difficilement à l’utilisation des
critères ethnico-religieux ? Ou bien, plus
simplement, s’agit-il d’une initiative naïve,
d’un excès de zèle à classer dans le répertoire
des « fausses bonnes idées » ?
Toujours est-il que le fax envoyé suscite ra-
pidement des protestations parmi ses desti-
nataires et un malaise, attribué par un res-
ponsable à une « initiative complètement
privée », dont l’objectif était d’envoyer un
carton de bons vœux pour la fête d’indépen-
dance de l’Etat d’Israël.
EXPLOITATION DES « DIFFÉRENCES »
Cette fête (en hébreu : Yom Haatzmaout)
est célébrée chaque 5 iyyar de l’année hé-
braïque (soit le 21 avril 1999), date qui est
souvent notée dans les calendriers religieux à
l’usage des fidèles puisqu’elle donne l’occa-
sion de réciter quelques psaumes. Il est de
fait que bien des juifs en France ressentent
pour Israël une empathie d’autant plus forte
qu’elle a été relativement tardive. Cette em-
pathie – même si tous les juifs sont loin
d’être sionistes ni même philosionistes –
s’est traduite parfois par des manifestations
de masse : en juin 1967, quand on a pu croire
qu’Israël était menacé de disparition ou au
début des années 80, alors que le « Renou-
veau juif », dirigé par l’actuel président du
CRIF, M
e
Henri Hadjenberg, organisait d’im-
pressionnants rassemblements de soutien.
Pour autant il n’est pas certain que, même
parmi les plus sionistes, beaucoup appré-
cient ce rappel intéressé d’un événement
fondateur via un service public qui cherche à
flatter ainsi une partie de sa clientèle. Sur-
tout dans un pays comme la France où, à la
différence de la Grande-Bretagne ou des
Etats-Unis, il n’est pas encore d’usage de sol-
liciter l’expression des « différences », no-
tamment à des fins commerciales.
Quoiqu’il en soit, ce « ciblage » a fait long
feu, puisque la direction de La Poste du
centre de Paris a annulé l’opération et retiré
la note. Un responsable de cette direction
précise en outre que l’opération avait pour
objet de distribuer un « souvenir philaté-
lique » à l’occasion de la fête et qu’il s’agit
d’une initiative individuelle qui devrait faire
l’objet d’« enquête ».
Nicolas Weill
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