Electrolux ZC24/10FS Bedienungsanleitung Seite 36

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LeMonde Job: WIV1499--0003-0 WAS LIV1499-3 Op.: XX Rev.: 07-04-99 T.: 19:49 S.: 111,06-Cmp.:08,07, Base : LMQPAG 02Fap:100 N
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LE MONDE / VENDREDI 9 AVRIL 1999 / IIIlittératures
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Chevillard et ses doubles
A travers Thomas Pilaster et son exégète, le romancier propose d’observer
les « mécanismes à l’œuvre » dans son écriture. Rencontre
L’ŒUVRE POSTHUME
DE THOMAS PILASTER
d’Eric Chevillard.
Minuit, 190 p., 78 F (11,89 ¤).
T
homas Pilaster, vous
vous souvenez ? Quel
trajet, de Mots confits
mots contus à son der-
nier roman, La Pointe des cor-
beaux ! D’autres titres, Fabrique
d’extraits élaborés dans la vapeur
et dans le vide, ou Etude de ba-
bouche pour la mort de Sardana-
pale, rappellent le moraliste et le
critique d’art... Thomas Pilaster
n’existe pas plus que son sosie tei-
gneux, Marc-Antoine Marson,
commentateur de son œuvre pos-
thume – même si, dans ce double
exercice d’autodérision, au brio
étourdissant et à l’humour rava-
geur, Chevillard glisse quelques
traits personnels, par « goût du
jeu, de l’énigme ».
Ecrivain discret, Eric Chevillard
pense sans doute, comme Pilaster,
qu’un romancier n’est pas plus in-
téressant hors de ses livres
« qu’un confiseur hors de sa confi-
serie ». Seul repère biographique :
il est né en 1964 à La Roche-sur-
Yon, dans l’hôpital où, la même
année, devait mourir le peintre
Gaston Chaissac, cité en exergue
de Préhistoire. « On s’est croisés,
dit-il, ça m’a touché comme une
coïncidence. Chaissac était un épis-
tolier incroyable. Il chroniquait son
village, avec le plus grand sérieux,
pour Paulhan, Queneau, Dubuffet.
C’est hilarant et très naturel,
comme sa peinture, avec un peu de
rouerie qui le rend très attachant et
lui permet d’échapper à la condes-
cendance de ses protecteurs. La
seule chose qui l’apparente à l’art
brut, c’est la pauvreté de ses
moyens, et son insouciance absolue
des canons de l’académisme. »
Cette insouciance-là, Chevillard
la retrouve, grâce à une sorte de
folie inventive et douce qui par-
court ses livres. « J’essaie de pous-
ser à l’excès, jusqu’à l’absurde,
toutes les logiques en œuvre dans
cette culture qui nous a formés
presque malgré nous. On peut re-
trouver une forme de naïveté, de
fraîcheur en exacerbant tout cela. »
Ainsi des romans jubilatoires
nous entraînent à la suite de hé-
ros qui veulent renverser l’ordre
des choses, comme Crab, qui,
dans Un fantôme, « songe à des ré-
formes radicales », Furne, qui,
dans Le Caoutchouc décidément,
est « hostile au principe des gibou-
lées de mars », ou comme le nar-
rateur qui finit par entraîner un
groupe d’amis Au plafond, dans
un continent vierge et sans li-
mites. « L’humour est une des
formes de la poésie, et produit les
mêmes effets : déréaliser, et désar-
mer le lecteur, qui est corps et âme
dans sa lecture. Les grands écri-
vains – Sterne, Swift – sont aussi
des humoristes. »
« J’ai trouvé ma manière très
brusquement, se souvient-il, c’est
bizarre, lorsque j’ai commencé à
écrire la nuit. J’étais étudiant à
Nantes. Je me suis rendu compte
que ce temps suspendu était le mo-
ment idéal pour moi. Est-ce lié à
cette expérience ou à une certaine
maturité ? J’ai écrit alors un texte,
très imparfait mais original, que
j’ai envoyé aux Editions de Minuit :
on m’a, chaleureusement, conseillé
de le remanier. C’était un texte
presque illisible, d’une densité op-
pressante, qui abondait en apho-
rismes. J’ai eu l’idée de cet agoni-
sant de Mourir m’enrhume. C’est
comme cela que j’ai commencé à
écrire des romans. »
« Auparavant, j’écrivais des
poèmes, des proses poétiques. Je me
souviens avoir écrit des textes qui
me paraissaient ressembler fort au
Cornet à dés de Max Jacob. Ensuite
j’ai lu Beckett et Michaux et, tout en
percevant la distance qui me sépa-
rait d’eux, j’ai senti comme un ap-
pel d’air : c’était par là qu’il fallait
aller. » Depuis, Chevillard conti-
nue d’écrire la nuit. « J’ai alors le
sentiment d’être à l’abri. L’an-
goisse, comme je suis en train
d’écrire, je la mets au travail au
lieu de la subir. » Parce que son
premier livre, publié à la fin de ses
études de lettres, lui a donné une
modeste « autonomie financière »,
Chevillard a choisi de se consacrer
à l’écriture. « J’aurais pu, envi-
sage-t-il, être journaliste ou profes-
seur. Mais je redoutais, dans ces
métiers trop proches, la recherche
d’efficacité immédiate. Je me suis
protégé, en croyant être en posses-
sion d’un instrument de musique
très fragile. »
SOUS LE SIGNE DE BORGES...
Dans la journée, Chevillard
garde sur lui un carnet qu’il sort
« plus discrètement que Pilaster.
J’aime beaucoup les écrivains qui
notent : Perros, Scutenaire. Je ne
tiens pas de journal à proprement
parler. La note prise dans la jour-
née se retrouve le soir dans le livre
que je suis en train d’écrire. La plu-
part des écrivains préfèrent raboter
les digressions, moi je prends le
risque de détourner l’attention.
C’est vrai qu’il est plus facile de sor-
tir de son propos que d’y revenir :
on peut le quitter dans une sorte
d’emballement, on n’y revient ja-
mais que de façon très consciente,
très maîtrisée ».
A l’inverse de Pilaster, Chevil-
lard ne garde dans ses tiroirs
d’écrivain ni archives, ni brouil-
lons, ni « scories », ni « rebuts ».
« Sur le plan pratique, j’écris extrê-
mement lentement : trois ou quatre
phrases par nuit. A l’intérieur d’une
phrase, il peut y avoir des accéléra-
tions délirantes : je me mets moi-
même en danger, comme si je sabo-
tais ma phrase et que j’essayais en-
suite de désamorcer tout ce qui la
menace. Je ne la lâche que lorsque
j’en suis satisfait : je ne rature pas,
j’efface. Le manuscrit final du livre
est le livre : tous les états antérieurs
ont été supprimés. » L’Œuvre pos-
thume de Thomas Pilaster est une
construction sidérante de textes
en miroirs, sous le signe de
Borges et de Nabokov, nés en
1899. « Nabokov : voilà, dit-il, un
romancier extrêmement puissant
qui a la subtilité et la délicatesse
des poètes. C’est un des écrivains
qui me confirment que l’émotion
est aussi un fruit de l’intelligence. »
Comme Feu pâle, Pilaster met en
relation l’appareil critique et des
textes appartenant aux genres les
plus divers : journal, roman poli-
cier, monologue théâtral apoca-
lyptique, tercets – même si Che-
villard préfère la poésie « hors du
poème, rendue à la phrase ».
A travers ses doubles impro-
bables, l’écrivain et son exégète,
Chevillard propose d’observer les
« mécanismes à l’œuvre » dans son
écriture : pour lui, comme pour
Ramón Gómez de la Serna ou
Malcolm de Chazal, « l’important,
c’est l’analogie ». Elle est au cœur
de son travail. Mais plutôt qu’un
« comment j’ai écrit certains de
mes livres », à la manière de Rous-
sel – voire de Ponge –, il suggère
un « comment j’aimerais que
soient lus mes livres. Il faudrait tou-
jours cette tension d’esprit dont
parle Lautréamont au début des
Chants de Maldoror. » Qu’oppo-
ser au réel, sinon une série infinie
de questions ? Autant d’hippo-
campes ! « J’ai toujours été interlo-
qué par l’hippocampe, c’est comme
si sa forme même, celle d’un grand
point d’interrogation, incarnait ma
stupéfaction. » C’est cette incerti-
tude que se renvoient Pilaster et
Marson, deux noms pour drama-
tiser « un combat intérieur », im-
plicite dans les autres livres.
« Quand j’écris, je m’expose à mon
insatisfaction chronique. Cette voix
perfide et sarcastique qui s’élève
tout de suite pour se moquer, c’est
un peu le corbeau d’Edgar Poe
qu’on a tous sur l’épaule et qui dit :
“A quoi bon, à quoi bon ?” Il faut
lui tordre le cou, à ce corbeau, si on
veut écrire. »
Monique Petillon
Plutôt qu’un « comment j’ai écrit certains de mes livres », Eric Chevillard suggère un « comment
j’aimerais que soient lus mes livres »
Condamnés à l’errance
Un très beau récit autobiographique où Adélaïde Blasquez relate
la tragédie des « personnes déplacées »
LE BEL EXIL
d’Adélaïde Blasquez.
Grasset, 340 p., 125 F (19,05 ¤).
T
rois générations. Au
centre, la narratrice
prise entre le passé – sa
mère – et l’avenir – sa
fille. Exils et séparations. Les mal-
heurs répétés, les espoirs toujours
reportés. L’importance de la mé-
moire pour la compréhension des
vies exposées aux aléas de l’his-
toire. Avec le récit des déplace-
ments d’une famille, une fresque
du siècle qui s’achève. Avènement
du communisme, guerre d’Es-
pagne, montée puis triomphe du
nazisme, l’Europe sous le joug, le
retour à la liberté assez relative
quand il s’agit d’obtenir une carte
de séjour.
La mère de la narratrice, Emma
Fischer, est née en 1908 d’une
mère allemande qui lui a donné
son nom et d’un père juif hon-
grois. Il mourra en lui montrant
deux photos, Hitler et le Christ :
« Celui-ci et ses pareils vaincront
celui-là. » D’Emma, sa fille dira un
jour qu’« elle a traversé quatre
guerres, souffert nombre d’amants,
possédé quelques maris et vécu plu-
sieurs morts ». Emma, venue à
Oviedo comme préceptrice des
enfants d’un diplomate espagnol,
fait la connaissance d’un lieute-
nant lors de ses sorties dans cette
ville de garnison. Enceinte, elle est
rejetée par la famille du lieute-
nant. A l’exception de la mère
« Aujourd’hui le mal est fait. Il
faut le réparer. »
Et Emma Fischer épouse Pepe
Martin Blazquez. Il obtient un
poste au Maroc auprès de Fran-
cisco Franco, un général « rongé
par l’ennui » qu’il retrouve plus
tard, quand, s’étant rangé « dans
le maigre troupeau de ceux qui
pensent mal », il rejoint les
combattants républicains et que
son « leitmotiv entre 1934 et 1936
devient : “Il ne faut pas qu’ils nous
attrapent vivants ». Aura-t-il des
remords « d’avoir abandonné
Madrid en flammes » ? A l’heure
où il s’agit de fuir les franquistes,
Pepe ne pense qu’à « une Autre
Femme ». Non pas une personne
de chair et de sang. Pour « cet Es-
pagnol arrivé à l’âge des bilans »,
cette « autre femme », c’est la
France, laquelle, « terre d’asile
mais non d’excès, s’empressera de
moucher de la belle façon ce vain-
cu sans importance collective ».Ce
n’est pas la seule des errances
d’Emma, de Pepe, de leur fils
Alejo, de leur fille qui en fait le
récit – et n’est pas sans parenté
avec la romancière, elle aussi née
d’une mère bavaroise et d’un père
castillan.
Elle aussi fera partie de ceux
qu’« on appelle pudiquement les
“personnes déplacées”... les vic-
times des couacs de l’Histoire »,
ceux qui se retrouveront à Paris
« dans une maison occupée en ma-
jorité par des émigrants en état de
choc, accourus des divers foyers
d’apocalypse de l’Europe ».
PÉRIPLE DU MALHEUR
Venue avec ses enfants à Mu-
nich au chevet de son père mou-
rant, Emma comprend vite que, à
demi-juive, « elle s’est jetée dans la
gueule du loup ». L’idée lui vient
de l’écrire à Hitler lui-même. Un
texte magnifique. Par ce biais ro-
manesque, Adélaïde Blasquez, de
façon simple, brève et dense, dit,
plus qu’avec de longs com-
mentaires, les déchirements de
chaque individu qui ne pouvait
« exciper de la pureté de ses ascen-
dances germaniques », les an-
goisses d’une mère « ballottée
comme un fétu de paille par les
soubresauts de l’Histoire » et qui
n’a d’autre but que de sauver ses
enfants... Et ce sera une étape en
Belgique.
Au long de ce périple du mal-
heur, l’exil n’est pas seulement ce-
lui des corps, mais aussi celui des
esprits. Pour tenter de conjurer
les conséquences terribles de ces
bouleversements, la narratrice n’a
que l’écriture, laquelle ne va pas
sans douleur. Les réminiscences
ravivent des sensations qu’elle ne
peut – ne veut – oublier, des situa-
tions qui s’enchaînaient inexora-
blement, condamnaient à l’im-
puissance. Des personnages
renaissent de ces souvenirs, au-
tant de portraits, de caractères
qu’Adélaïde Blasquez décrit en
donnant le meilleur de son talent,
non pour faire des scènes mais, en
fixant divers moments du siècle,
pour nous sensibiliser à son pro-
pos, sans insistance ni emphase.
Ainsi du vieux Fritz : il reçut le
baptême du feu en 1917, fut de la
Légion étrangère en 1938, et sa fa-
mille disparut à Auschwitz. Ainsi
de Renée Lestorade : elle ne veut
pas être la « collabo » de cette fin
de siècle − « Je vomis l’ordre mar-
chand » − et, au « compact disk et
autres machines intelligentes », elle
préfère son vieux pick-up du
temps des surprises-parties de
l’après-guerre « dont elle s’était
trouvée exclue par force ». Elle finit
par se suicider sur le grésillement
du Stabat Mater de Pergolèse...
En donnant sa part à un hu-
mour discret, toujours caustique,
en alternant les accents acerbes et
les délicatesses de la tendresse, le
récit de ces multiples biographies
à partir de l’autobiographie de
la narratrice qui se cherche et
cherche à comprendre – use tour
à tour d’un lyrisme passionné et
du ton de la confidence. Et ce,
avec un constant souci du mot
juste.
De ce roman, inquiétant d’avoir
des résonances qui ne font pas
surgir que le passé, dire que c’est
un grand livre, c’est encore peu
dire. Ce « bel » et tragique exil à
plusieurs itinéraires est, par sa
construction, par son style, l’une
de ces œuvres qui marquent une
époque et qu’il serait dommage
de méconnaître.
Pierre-Robert Leclercq
En hommage
à Truffaut
LE PETIT VOISIN
de Jérôme Tonnerre.
Calmann-Lévy, 222 p.,
98 F (14,94 ¤).
I
l avait le « visage triste à la
Buster Keaton », dit Jean-
Denis Bredin en pronon-
çant l’éloge funèbre d’un
confrère, mort brutalement en 1966
d’une crise cardiaque dans son ca-
binet d’avocat. Trente-trois ans
plus tard, le fils orphelin de cet
homme austère raconte comment
il s’est trouvé un autre père, en la
personne de François Truffaut. Il
« habite mon enfance », avoue-t-il,
entre la reconnaissance, l’émotion
et la nostalgie. Une enfance sage,
gâchée par un pensionnat digne
des Disparus de Saint-Agil, mais il-
luminée par la passion du cinéma.
Touché par la grâce cinéphilique,
l’adolescent alla sonner à la porte
des Films du Carrosse, dont
l’adresse était près de chez lui. Une
correspondance s’ensuivit, des
conseils et des encouragements.
« L’idolâtrie naît d’une détresse »,
dit aujourd’hui le « petit voisin »,
qui est devenu scénariste. Cet
hommage qu’il rend à celui qui l’ai-
da à se forger une identité, lettre
d’amour au cinéma et au cinéaste
du « tout est affectif », cet autobio-
graphique roman de formation, est
tissé d’une toile de coïncidences.
Dont celle-ci : Truffaut est mort au
même âge que le père de notre
narrateur, et chercha lui aussi toute
sa vie un géniteur dérobé. Il était
autre, juif, et ne s’appelait pas Truf-
faut. D’ascendance arménienne,
celui qui dit s’appeler Jérôme Ton-
nerre s’offre ici un livret de famille
stimulant, et affirme être né en
1974, le jour où il alla sonner chez
l’auteur de La Chambre verte. Reflet
d’un culte œdipien, ce livre d’or ar-
bore aussi le classicisme bienveil-
lant d’un Jean Renoir : il confesse
l’art de choisir le bon masque en
connaissant la règle du jeu.
Jean-Luc Douin
RENAUD MONFOURNY/« LES INROCKUPTIBLES »
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