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« The Lancet » prononce un sévère réquisitoire contre l’OTAN
La revue médicale britannique dénonce les bombardements en Serbie qui ne visent,
selon elle, qu’à renforcer la crédibilité de l’organisation
DES VOIX se sont élevées dans
la communauté médicale interna-
tionale pour condamner avec plus
ou moins de virulence la campagne
de bombardement de la Serbie en-
treprise par l’OTAN. Est-ce parce
qu’il ne partage pas les contin-
gences des associations humani-
taires présentes sur le terrain dans
les Balkans ou du fait d’être l’une
des deux ou trois plus prestigieuses
revues médicales au monde, dans
sa 176
e
année d’existence ? Tou-
jours est-il que l’hebdomadaire
britannique The Lancet publie dans
son numéro du 10 avril un éditorial
au vitriol.
Titré « Réfugiés du Kosovo : de
la crise à la catastrophe » et signé
– une fois n’est pas coutume – de
la rédaction, l’article assène : «Du
point de vue politique, militaire et
humanitaire, le bombardement in-
tensif de cibles en Yougoslavie a
échoué à atteindre le principal ob-
jectif de l’OTAN : protéger les habi-
tants du Kosovo de la brutalité serbe.
(...) La guerre en Yougoslavie a été
une erreur de stratégie. Les pays de
l’OTAN ont sous-estimé non seule-
ment la ténacité de Milosevic, mais
aussi le poids de l’histoire serbe qui
étaye et, pour de nombreux Serbes,
justifie ses actions. La campagne de
l’OTAN a renforcé et non affaibli la
base politique de Milosevic. »
sation qui a manifestement échoué à
prévenir les atrocités en Bosnie en
1994-1995. »
The Lancet examine l’attitude de
l’OTAN à l’égard des réfugiés. Ti-
rant les leçons de l’expérience des
survivants de l’épuration ethnique
en Croatie – environ 60 % des
Croates dans ce cas souffriraient
de troubles psychologiques –,
l’hebdomadaire insiste sur le fait
que la manière dont les réfugiés af-
frontent l’exil donne une indica-
tion sur d’éventuelles séquelles :
les personnes les plus âgées et les
moins éduquées présentent le plus
de risques, et les attitudes de déni,
d’évitement et de repli sur soi
laissent craindre une mauvaise
évolution.
The Lancet n’est pas plus tendre
avec les alliés sur ce terrain :
« Après dix jours de guerre, avec un
retard déplorable, l’OTAN a créé des
zones d’assistance et a détourné une
partie de ses forces quand elle a vu
la crise glisser inexorablement vers la
catastrophe. Les gouvernements oc-
cidentaux, avec les agences d’aides,
doivent rattraper ce retard. » Ecrit
avant l’approbation dimanche
11 avril du plan humanitaire « Abri
allié » par l’OTAN, l’éditorial
n’évoque pas la confusion des
genres entre humanitaires et belli-
gérants dénoncée par des organi-
sations comme Médecins sans
frontières ou Action contre la faim
(Le Monde du 13 avril). Il suggère
néanmoins la coordination de
l’aide par une commission des ré-
fugiés, assistée d’observateurs in-
ternationaux, et évoque l’impor-
tance de relever les abus et
violations commises afin de contri-
buer à de futures enquêtes médi-
co-légales.
La rédaction du Lancet estime
enfin que « la seule solution durable
pour les réfugiés du Kosovo sera un
règlement politique, incluant peut-
être la partition du Kosovo, et impli-
quant quasi certainement la Russie
comme négociateur de paix ». L’édi-
torial réserve cependant la flèche
du Parthe à l’Organisation du traité
de l’Atlantique nord : « Protéger les
réfugiés devrait être le but premier
de l’OTAN et non sa réflexion de der-
nière minute. »
Paul Benkimoun
SUR LA TOILE
SINGAPOUR
a Sur 1,4 million de contribuables
de Singapour, plus de 200 000 ont
déjà fait leur déclaration de reve-
nus 1998 via Internet. Ils rem-
plissent un formulaire en ligne in-
teractif, capable de répondre aux
questions et de fournir des ren-
seignements complémentaires en
temps réel. – (AP.)
NOMS VOLÉS
a Les fédérations de producteurs
de vin français vont créer une as-
sociation pour défendre leurs
noms respectifs sur Internet.
L’objectif prioritaire est de ré-
cupérer les adresses Internet cor-
respondant à leurs appellations
d’origine (par exemple chateau-
neuf-du-pape.com), qui ont été
déjà déposées aux Etats-Unis par
des personnes dont le seul but est
de les revendre avec profit. Une
soixantaine d’appellations fran-
çaises ont déjà été « piratées »
par des Américains, mais aussi
des Suisses et des Tchèques.
L’association entend se battre sur
le terrain judiciaire, mais aussi
« faire pression au niveau des Etats
pour obtenir un changement de
réglementation dans le cadre de
l’Organisation mondiale du
commerce ».–(AFP.)
www.rfimusique.com
Toutes les musiques du monde, écoutables à volonté sur le site de RFI
RFI-MUSIQUE possède depuis
plus d’un an une banque musicale
en libre accès sur le Web, propo-
sant une sélection axée sur la
chanson française et la world mu-
sic. « L’Entrée des artistes » mène
le visiteur vers un répertoire et un
moteur de recherche permettant
d’accéder à plus de trois cents
dossiers consacrés à des auteurs,
compositeurs et interprètes. Pour
la France, le choix de RFI est très
éclectique, à côté des classiques –
Juliette Gréco, Brel ou Brassens –,
on trouve pêle-mêle les Fabulous
Trobadors, Doc Gynéco et Les
Négresses vertes. Le choix est en-
core plus vaste pour les musiques
du monde : le groupe de salsa sé-
négalaise Africando côtoie le
chanteur de raï Cheb Mami ou le
percussionniste brésilien Carlin-
hos Brown : en tout, des chansons
en trente-trois langues, y compris
le nzema, le provençal, le finlan-
dais et l’hébreu. Pour chaque ar-
tiste, RFI-Musique propose un
« passeport » illustré, un agenda
des concerts à venir, une disco-
graphie et bien sûr une sélection
de morceaux à écouter à volonté
(le site n’autorise pas le téléchar-
gement). Le site donne également
accès à une sélection extraite de la
« playlist » (morceaux les plus dif-
fusés sur l’antenne de RFI-Mu-
sique), remise à jour deux fois par
mois.
Par ailleurs, Le Petit Journal quo-
tidien propose des extraits musi-
caux dans ses pages d’actualité,
avec par exemple une interview
du groupe Bisso na Bisso, un por-
trait d’Axelle Red, une critique du
nouvel album de Francis Cabrel,
Hors saison, ou encore un repor-
tage sur le groupe de hip-hop
marseillais Le 3
e
Œil. Un agenda
indique tous les concerts de world
music et de chanson française qui
vont avoir lieu dans toutes les
grandes villes du monde franco-
phone.
Le site est également fréquenté
par de nombreux professionnels
de la radio, car RFI-Musique vend
en ligne les CD-audio contenant
les programmes musicaux qu’elle
conçoit et produit à l’intention
d’un réseau international de près
de sept cents stations partenaires.
Dans une interview accordée fin
janvier à l’hebdomadaire Musique
Info, Jean-Jacques Dufayet, rédac-
teur en chef du site Web de RFI-
Musique, a annoncé la mise en
œuvre prochaine de plusieurs
nouveaux projets ambitieux, no-
tamment la retransmission en di-
rect de l’intégralité des pro-
grammes de RFI-Musique, ainsi
que la diffusion d’une large sélec-
tion de concerts en direct lors de
la prochaine Fête de la musique.
Valérie Osouf
KIOSQUE
LE MONDE / VENDREDI 16 AVRIL 1999
EN VUE
a Le prince Serge Karagjergie de
Yougoslavie, jugé, mardi 13 avril,
par le tribunal de Turin pour
« usage de cocaïne » à l’occasion
de fêtes et de dîners, a précisé que
ses convives participaient à la
dépense.
a « Cette année, d’abondantes
floraisons, signe de récolte
exceptionnelle, réjouissent les
paysans afghans de la région de
Saraqala », déplore Shamsul Haq
Sayeed, coordinateur rural d’une
agence des Nations unies pour
remplacer le pavot par l’oignon, le
champignon, l’amande ou
l’abricot.
a En raison des taxes sur le tabac,
les prix des cigarettes aux Emirats
arabes unis, fédération de
monarchies, ont augmenté de 16 %
pour les marques de luxe, de 40 %
pour les moins chères.
a L’Etat chinois impose aux 110
fabricants de drapeaux nationaux
de n’utiliser que de la soie ou du
coton.
a « En créant un précédent, le
cimetière va se hérisser de
bannières aux couleurs des clubs de
football », redoutait Giovanni
Rebasti, maire de Lirio près de
Pavie, avant de faire retirer le
drapeau rouge que la veuve
d’Angelo Brambilla Pisoni,dit
Brousaille, ancien dirigeant de
Lotta Continua, avait planté sur sa
tombe.
a Le « samedi léniniste », jour où
la population se mobilise pour
nettoyer les rues, sera rétabli par
la ville d’Artem, non loin de
Vladivostock, qui remettra sur son
socle la statue de Félix Dzerjinski,
fondateur de la Tchéka, la police
secrète des bolchéviks.
a « Quand le crocodile nage,
personne ne veut l’attraper. Mais
quand il est mort, tout le monde
veut sa peau » : Hun Sen, premier
ministre, exige que le Khmer
rouge Ta Mok, emprisonné à
Phnom Penh, soit jugé au
Cambodge.
a « Comment vous-sentez vous ? »
« Molto bene, grâce à Dieu, je vais
pouvoir prendre un bain et rentrer
chez moi, à Venise », s’est
empressé de répondre Giovanni
Zerrasi, missionnaire italien,
passager d’un avion détourné,
relâché, mardi 13 avril, par la
guérilla guévariste qui détient
encore quarante otages.
a Morkhoven, association
caritative belge, qui a découvert
en Autriche 70 000 images à
caractère pédophile, les
transmettra aux maisons royales
belge, néerlandaise et britannique,
aux membres du gouvernement et
du parlement belges, au chancelier
Gerhard Schröder et au président
Jacques Chirac.
a Récemment, des foules
subjuguées se pressaient dans les
mosquées d’Abidjan aux
prédications de Cheikh Sharifu
Kalifa, âgé de quatre ans.
Christian Colombani
DANS LA PRESSE
LE FIGARO
Georges Suffert
a Cette élection (en Algérie) ne
ressemble pas aux précédentes.
Bien sûr, six candidats sur sept dé-
noncent déjà les fraudes qui se se-
raient produites dans les bureaux
itinérants et les casernes. Il est re-
grettable qu’ils aient retiré leur
candidature. L’élection probable
de M. Bouteflika n’aura plus tout
à fait la même signification. Tous
les candidats avaient pourtant ju-
ré qu’ils étaient libres et indépen-
dants, qu’ils respectaient l’armée
mais ne dépendaient plus d’elle ;
que l’ancien régime était bel et
bien enfoui dans les souvenirs des
premières années de l’Algérie...
Cette élection marquera tout de
même une date ; malgré le retrait
de candidats de qualité, l’Algérie
démocratique commence à sortir
de l’ombre. C’est une nouvelle im-
portante, si elle se confirme.
LIBÉRATION
Gérard Dupuy
a Le régime algérien court régu-
lièrement après une respectabilité
électorale tout en étant terrorisé
par tout ce qui ressemble à une
libre expression populaire. De là
ses tentatives de scrutin à grands
effets d’annonce, et des ratages et
des truquages non moins specta-
culaires. La nouveauté n’est donc
pas que le scrutin algérien tourne
court, mais qu’il le fasse en pre-
nant et surprenant le pouvoir à
son propre piège. Le badigeon du
changement apporté par le «ci-
vil » Bouteflika s’est écaillé sur la
façade du régime avant d’avoir sé-
ché... Le régime n’a pas été inca-
pable de produire des réforma-
teurs (certains étaient candidats
contre lui), mais radicalement
inapte à se réformer lui-même.
Pour cela, le terrorisme islamiste
lui fournissait un prétexte mas-
sue.
LA TRIBUNE
Philippe Mudry
a Dans sa tragique et magnifique
histoire, la décision des six candi-
dats à l’élection présidentielle de
se retirer de la course pour cause
de fraude marque une date im-
portante. Elle a l’immense vertu
de clarifier la réalité du non-choix
politique qui était proposé aux ci-
toyens, en plantant définitive-
ment l’opposition au cœur du
paysage. L’armée, qui détient
sous des oripeaux divers la réalité
du pouvoir depuis près de trente-
cinq ans, ne pourra, sous couvert
d’élections truquées, imposer
sans le dire au pays son magistrat
suprême, en la personne d’Abde-
laziz Bouteflika, peu glorieux che-
val de retour de l’ère Boume-
dienne.
RFI
Jacques Rozenblum
a En refusant de jouer les cau-
tions démocratiques d’une entre-
prise qui l’était moins, les candi-
dats du front du refus ont non
seulement étalé au grand jour la
crise du pouvoir, ils ont aussi ex-
primé les attentes de la société.
En 1991, l’annulation d’une élec-
tion remportée par les islamistes
avait ouvert une confrontation.
Huit ans plus tard, c’est le main-
tien d’une parodie électorale qui
en ouvre une autre. A la seule dif-
férence près qu’il s’agit sans
doute cette fois-ci d’une crise sa-
lutaire.
TU SOURIAIS comme un bien-
heureux. En patrouille sur la fron-
tière du Kosovo, ton pays natal,
une caméra de TF 1 t’avait caressé
de son regard. C’est rare, en
pleine débâcle, un orphelin qui
sourit comme un ange. Un in-
connu, dans un abri de fortune, te
tenait sur ses genoux. Il t’avait re-
cueilli. Les partisans de l’UCK, en
déroute devant les tanks serbes,
t’avaient confié à lui. Personne,
parmi les fuyards, ne savait qui tu
étais. Ton papa était mort, ta ma-
man grièvement blessée, disait-
on, avait disparu. La télévision
t’appelait « sans nom et sans âge ».
Tu devais avoir deux ans. Tu étais
un petit blondinet joufflu. Emmi-
touflé dans ton manteau, tu sem-
blais surpris par ce que tu voyais
autour de toi. Tes grands yeux
noirs regardaient le monde avec
émerveillement. Tu ne compre-
nais pas les pleurs des femmes et
des vieillards agglutinés dans la
pièce, transis de froid et de peur.
Un gamin s’était approché de toi
et tu lui souriais comme un chéru-
bin. Ce soir-là, sur l’écran de mon
récepteur, qui réceptionnait les
horreurs de la guerre, tu incarnais
la résurrection éternelle de la vie.
Te baptiser Jésus eût été ortho-
doxe mais déplacé. Tes racines al-
banaises avaient sûrement fait de
toi un petit musulman et ce
n’était pas le moment de faire de
la provocation. La bonne inspira-
tion m’est venue en zappant.
L’envoyée spéciale de France 2,
Maryse Burgot, la voix défaite, ra-
contait les mêmes scènes de fuite
sur la même frontière. Comme
tous les journalistes de l’Alliance
démocratique, elle souffrait de
notre impuissance collective. Son
reportage comportait une scène
inédite. On y voyait, en pleine
montagne, une paysanne des plus
humbles en train d’utiliser un ma-
tériel des plus sophistiqués : un
téléphone satellitaire. Maryse
Burgot précisait qu’il s’agissait de
son propre instrument de travail.
Elle avait croisé cette femme en
détresse et lui avait prêté son télé-
phone.
De sa part, cela n’était rien. Un
simple réflexe de compassion. Et,
pourtant, soudain, ce geste banal
signifiait tout. En sortant de son
rôle d’observatrice, en prêtant
son téléphone à cette femme
pour qu’elle puisse communiquer
avec les siens, cette bonne Sama-
ritaine venait de renvoyer à leur
néant les bourreaux de tes pa-
rents. Car m’est alors revenu à
l’esprit ce que disait une réfugiée
allemande des années 30, une cer-
taine Hannah Arendt : « Nous hu-
manisons ce qui se passe dans le
monde en nous parlant et, dans ce
parler, nous apprenons à être hu-
main. » Cette pensée m’a conduit
au souvenir de l’un de tes aïeux
grecs qui se savait, lui aussi, ci-
toyen du monde. Voilà pourquoi,
cher blondinet, je t’ai baptisé So-
crate.
Baptême du feu
par Alain Rollat
The Lancet est sans pitié pour les
réelles motivations des Etats
membres de la coalition alliée :
« La vérité politique est que les na-
tions occidentales ont agi avant tout,
non pour protéger les populations ci-
viles du Kosovo, mais pour protéger
la crédibilité de l’OTAN, une organi-
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